Proches-aidants

Mis face à un handicap nouveau et souvent méconnu, les proches, et tout particulièrement la famille vivant avec la personne aphasique, vont osciller entre incompréhension, désarroi, angoisse, désespoir ou encore culpabilité ; autant de sentiments qui peuvent compromettre la qualité des liens affectifs. Il peut s'y ajouter de la colère ou des reproches qui sont des moyens d'exprimer les frustrations et l'impuissance, mais ne font que dégrader un peu plus la relation.
Il peut être difficile pour les proches de comprendre les mécanismes mis en jeux chez la personne aphasique.
Les changements observés ne concernent pas seulement sa manière de communiquer, mais également ses attitudes.
Il est important de reconnaître ces comportements comme faisant partie de l'aphasie, et non comme de la mauvaise volonté.

Les situations les plus fréquentes après une aphasie

Repli sur soi, isolement : pour la personne aphasique, les situations de communications peuvent être stressantes. Elle craint de ne pas savoir se faire comprendre, ou ne ne pas comprendre ce qu'on lui dit. Cela va la pousser à se retirer socialement, ou à ne plus participer aux conversations. Elle peut manquer d'intérêt pour son entourage ou pour ses activités antérieures, étant centrée sur ses propres problèmes. Les visites des amis peuvent devenir moins nombreuses et contribuer à l'isolement.
 
Anxiété, peurs, angoisses : se retrouver brusquement aphasique est une situation très anxiogène. Les questions sans réponses sont multiples, comme dans tous les cas sur lesquels nous n'avons pas de contrôle. L'incertitude face à l'avenir, la peur de l'inconnu, l'angoisse d'une récidive ou de la mort sont des réactions compréhensibles.
 
Déni et anosognosie : la peur d'affronter la réalité peut engendrer un mécanisme de défense appelé déni. La personne aphasique nie sa maladie, le temps de pouvoir reprendre des forces et accepter sa nouvelle condition. Le déni est une attitude normale dans un cas de traumatisme important, et il est à accepter comme tel. L'anosognosie, au contraire, n'est pas un mécanisme psychologique normal. La personne ne semble pas avoir conscience de sa condition, et le fait de prendre la mesure de son atteinte pourra représenter une étape douloureuse.
 
Perte d'identité, blessure narcissique : l'aphasie touche la personne dans son intégrité, la prive d'une partie de sa personnalité. L'estime de soi, la confiance en soi sont profondéement ébranlées, voire perdues. La personne aphasique se sent diminuée, inexistante, et peut en ressentir de la honte ou de la culpabilité.

Dépression : le sentiment d'injustice, l'incompréhension, la honte, l'impuissance ressentie, la fatigue, toutes ces sensations vont engendrer une dépression plus ou moins importante, mais très fréquente dans les cas d'aphasie. La présence de ces troubles dépressifs doit être prise en compte et traitée, car elle défavorise l'évolution positive de l'aphasie.
 
Régression : pour faire face à la maldie, la personne aphasique peut adopter un autre mécanisme de défense appelé régression. Il s'agit de comportements moins évolués destinés à lui permettre de s'adapter à la situation. De plus, comme son entourage se consacre à lui porter assistance, toutes les attentions dirigées vers elle peuvent la pousser à se résigner et à se conforter dans cette attitude de régression.
 
Irritabilité, agressivité : la personne aphasique vit des frustrations importantes et quotidiennes face à ses difficultés à communiquer, ce qui peut générer des comportements d'irritabilité ou d'agressivité. La contrariété de ne pas trouver ses mots, ou de ne pas être comprise, est source de colère. La personne aphasique peut également être exaspérée par l'attitude de ses proches, lorsque ceux-ci sont impatients ou cherchent à dire les mots à sa place. On peut voir aussi des comportements d'égocentrisme, par réaction au manque d'estime de soi.
 
Labilité des émotions : les réactions de joie ou de tristesse peuvent être exagérées ou incontrôlables et ne sont pas toujours appropriées à la situation.
 
Difficultés d'adaptation : d'autres comportements peuvent apparaître à la suite d'une aphasie, comme des capacités de concentration et d'attention diminuées, de la fatigabilité, des difficultés à s'adapter aux imprévus et aux changements d'horaire, de lieu ou de routine, un attachement excessif à des détails peu importants.

La communication

La communication est le fait d'établir une relation avec une autre personne ou un autre groupe pour transmettre un message. Celui qui envoie le message est appelé émetteur ; il peut communiquer avec un ou plusieurs récepteurs (celui qui reçoit le message). Lorsque le récepteur est seul, on parle de communication interpersonnelle. il existe aussi la communication de groupe (groupe récepteur ciblé) ou la communication de masse (transmission d'une information à un plus large public possible).
 
La communication entre personnes comporte quatre éléments :
  • la présence d'un émetteur qui transmet un message en le convertissant de sa pensée au langage
  • la présence d'un récepteur qui le reçoit en le convertissant du langage à la pensée
  • un canal de communication qui peut être verbal ou écrit
  • une réponse ou réaction du récepteur
 
Il existe quatre types de communication :
  • la communication visuelle permet de transmettre un message sans utiliser de mots. Elle peut comporter des signes ou des gestes.
  • la communication écrite est la rédaction d'un message, écrit à la main ou par l'intermédiaire d'un clavier, ou d'un dessin.
  • la communication verbale permet de s'exprimer par le langage et la voix.
  • la communication non verbale est un type de communication inconscient. Elle comprend le langage corporel et celui du visage. La position du corps, les mimiques faciales, le ton de la voix, l'orientation du regard traduisent nos émotions et nos intentions. Même les silences peuvent être intérprétés par le récepteur.

La résilience

La résilience est un phénomène psychologique qui consiste, pour un individu affecté par un traumatisme, à prendre acte de l'événement traumatique de manière à ne pas, ou plus, vivre dans la souffrance et à se reconstruire d'une façon socialement acceptable.
L'individu blessé doit reprendre un type de développement différent malgré les difficultés, et garder ainsi une trace du traumatisme sans pour autant être anéanti par ses effets néfastes.
 
La résilience serait rendue possible grâce à une structuration précoce de la personnalité, par des expériences constructives de l'enfance et parfois par la réflexion, la parole ou plus rarement par une thérapie. Le processus de résilience se met en oeuvre grâce à trois piliers : l'espoir, la protection et le travail psychique de conscientisation de l'expérience vécue. L'individu doit croire en sa possibilité d'aller mieux et ne pas nier le traumatisme.
 
On peut également parler de résilience familiale lorsque toute une famille est atteinte par l'aphasie d'un de ces membres. Malgré l'épreuve subie, la famille doit être capable d'accepter le caractère irréversible de la situation et de mobiliser ses ressources afin de mettre en place en nouvel équilibre. Les facultés indispensables seront la souplesse, l'adaptabilité, la qualité de la communication, la cohésion et le soutien familial face aux événements déstabilisants, la capacité de développer et maintenir un réseau social.
 

Conseils aux proches-aidants

La personne aphasique a besoin de retrouver une place parmi les siens. La blessure narcissique la fait se sentir diminuée, incapable, et les proches jouent un rôle primordial pour l'aider à reprendre confiance en elle. La famille doit lui offrir la possibilité de participer aux échanges et aux activités familiales, sans la brider dans sa recherche d'autonomie.
Tout particulièrement dans les familles modernes où la communication repose sur la concertation de ses membres, la personne aphasique qui a perdu sa capacité à verbaliser participera moins et risque de se retrouver uniquement spectateur de la vie familiale. On peut voir apparaître insidieusement des attitudes de non-communication, de surprotection, d'indifférence, voire de rejet de la part des proches qui tentent, parfois maladroitement, de s'adapter.

Mieux communiquer avec une personne aphasique

Conseillé

  • encourager toute tentative de communication, même les gestes
  • l'écouter
  • lui laisser le temps de trouver ses mots
  • si elle ne trouve pas le mot, lui en suggérer un en tenant compte du contexte
  • tolérer ses erreurs, la corriger avec délicatesse si besoin
  • utiliser des phrases courtes et simples
  • si la phrase n'est pas comprise, reformuler différemment
  • parler lentement
  • signaler si l'on n'a pas compris
  • poser des questions fermées (réponse par oui ou non)
 

Déconseillé

  • parler à sa place
  • l'interrompre sans raison
  • changer de sujet sans prévenir
  • élever la voix ou s'emporter
  • la corriger sans arrêt
  • donner trop d'informations à la fois
  • parler d'elle à la 3ème personne quand elle est présente
  • tenter de communiquer dans un environnement bruyant