La rééducation

Un long chemin attend la personne aphasique. L'objectif n'est pas seulement de retrouver l'usage de la parole ou ses fonctions cognitives, mais d'essayer de réduire les différents handicaps liés à la lésion cérébrale.
 
En effet, l'altération des fonctions cérébrales provoquant des déficiences comme l'aphasie ou l'hémiplégie ont pour conséquences d'autres incapacités qui portent préjudice à la personne aphasique dans sa vie quotidienne. La réhabilitation doit être la plus globale possible.
Il est important de commencer la rééducation dès que l'état de santé de la personne aphasique le permet. Ainsi, on profite de la période la plus propice à la récupération. En Suisse, les professionnels prenant en charge les aphasies sont les logopédistes.
Pour que le traitement soit efficace, il est important que la personne aphasique soit motivée, prête à collaborer et consciente de ses difficultés. La famille et les amis jouent un rôle important d'encouragement et de soutien, mais ne doivent pas obliger la personne aphasique à suivre une rééducation.

Fréquence et durée

Dans les premiers temps, le traitement logopédique est intensif, souvent quotidien.
La rééducation s'échelonne sur plusieurs mois, voire plusieurs années. Elle se poursuit aussi longtemps que des progrès significatifs sont observés.

Niveaux de rééducation

Certaines personnes aphasiques récupèrent presque intégralement leur capacité langagière, et d'autres pas.
La récupération se fait souvent par paliers.

Progression

Les progrès les plus évidents se font dans les premiers mois, cependant ils peuvent se prolonger pendant des années, même après l'arrêt de la logopédie, surtout si les proches continuent à encourager la personne aphasique à parler.

Phases de rééducation

Il existe trois phases de récupération : la phase aigüe, juste après l'AVC et jusqu'à quelques jours après. La phase subaigüe suit et peut durer quelques semaines.
Puis vient la phase chronique.

La logopédie

La rééducation doit tenir compte de l'état total de la personne aphasique : son état de santé, son niveau de récupération, ses habitudes de vie. Le ou la logopédiste (ci-après désignée au féminin car elles sont beaucoup plus nombreuses à pratiquer ce métier) va planifier et adapter sa pratique en fonctions des besoins spécifiques de la personne aphasique, y compris sa manière antérieure de parler. Avait-elle tendance à parler peu ou beaucoup avant son aphasie ? Parlait-elle plusieurs langues ? Avait-elle l'habitude de lire ou d'écrire, dans son métier ou ses loisirs ? Quel est son niveau de scolarité ?
Les réponses à ces questions sont importantes, ainsi la rééducation pourra aider la personne à retrouver le langage qu'elle employait auparavant.
Il est donc question d'établir des objectifs de rééducation compatibles avec la vie quotidienne de la personne aphasique, grâce à des évaluations, questionnaires ou observations. La participation de l'entourage est à nouveau fortement souhaitée.
Dès que l'état de santé s'améliore, juste après l'AVC, le langage peut déjà commencer à revenir de lui-même. Des séances de logopédie intensives à ce moment-là sont très bénéfiques et les progrès peuvent se faire rapidement, car la capacité langagière est plus malléable.
Par la suite, il sera nécessaire de travailler de manière plus ciblée sur l'accès aux mots, la construction des phrases, la compréhension orale, la lecture et l'écriture.
Les séances de logopédies peuvent durer de plusieurs mois à plusieurs années selon le degré d'aphasie et la capacité de récupération.
Dans la phase chronique (dès un an), un traitement régulier peut toujours apporter des améliorations significatives.
Même après l'arrêt de la logopédie, des progrès sont constatés, si la personne aphasique continue ses efforts pour communiquer dans sa vie quotidienne.

Progression des séances

La première rencontre avec la logopédiste a lieu dans la chambre, très peu de temps après l'installation de l'aphasie.

La suite de la rééducation se passe à l'hôpital de jour, dès que la personne aphasique est moins fatigable.

Lorsque la personne aphasique est sortie de l'hôpital, les séances de logopédie se poursuivent au cabinet ou à domicile.

La logopédie peut encore durer plusieurs années, tant que de nouveaux progrès sont encore constatés.

Séances quotidiennes et très courtes
Séances quotidiennes environ 45 min.
Séances une ou plusieurs fois par semaine
Séances hebdomadaires
Ces valeurs sont bien sûr indicatives, car chaque situation est unique.
De plus, la récupération se fait souvent par paliers, des phases de progrès suivies de périodes de stagnation qui mettent la patience et la motivation à rude épreuve. Parfois, après une longue période de traitement, il peut être judicieux de faire une pause et de reprendre plus tard.

Le cerveau

Les mécanismes de récupération

Comment fonctionne la logopédie ? On croit souvent à tort que la personne aphasique devra réapprendre à parler, lettre par lettre, mot par mot comme à l'école. Or la logopédiste va tenter, par divers moyens, de rétablir une communication fonctionnelle, c'est-à-dire un langage qui se rapproche le plus possible de celui qui était pratiqué avant.
 
On distingue trois mécanismes de récupération :
le rétablissement de la fonction : c'est le scénario le plus souhaitable. Il s'agit de la réactivation de l'aire cérébrale endommagée. Le débit sanguin et les connexions sont rétablies et le cerveau fonctionne comme avant.
 
la réorganisation fonctionnelle : dans ce cas, des procédures existantes dans le cadre d'autres fonctions cérébrales sont utilisées pour suppléer à la zone déficitaire.
 
l'exploitation des fonctions intactes : on cherche à utiliser les capacités préservées de manière optimale, comme par exemple la communication non verbale.

Différentes rééducations

Le langage comprend une forme orale, une forme écrite et une forme gestuelle. Chacune d'elle comporte un aspect expressif (parler, écrire ou faire des gestes) et un aspect réceptif (comprendre des messages oraux, écrits ou gestuels). L'aphasie peut toucher ces formes de langage à des degrés différents et il est nécessaire d'en tenir compte lors de la rééducation.

La rééducation du langage parlé

En présence d'un trouble de l'articulation (trouble arthrique), la logopédiste peut travailler les sons déformés par des exercices de répétitions ou de lecture à voix haute.
Dans le cas du manque de mot, les exercices visent à nommer des personnes, des objets ou des actions, grâce à des aides (images, gestes, débuts de mots ou de phrases).

La rééducation du langage écrit

Dès le début de la rééducation, on incite la personne aphasique à écrire des mots courants tels que son nom, le nom de ses proches, son adresse, les jours de la semaine, etc...
Il faut également l'encourager à utiliser sa main gauche si la main droite est paralysée.
 
Il ne faut pas s'attendre à ce que la personne aphasique exprime par écrit ce qu'elle ne peut pas dire. Le retour de l'écriture est souvent plus difficile que la récupération de la parole.

La rééducation de la compréhension du langage parlé

Lors d'un problème de compréhension du langage parlé, la logopédiste doit d'abord identifier la source du problème : s'agit-il d'une difficulté à reconnaître le sens du mot, leur forme sonore, ou de la difficulté à retenir une suite de mots ?
Elle pourra ensuite proposer des exercices visant à rétablir cette compréhension.

La rééducation de la compréhension du langage écrit

Certaines personnes aphasiques éprouvent de la difficultés à comprendre ce qu'elles lisent., même si elles peuvent lire à voix haute. Dans d'autres cas, c'est l'inverse, elles peuvent comprendre le sens des phrases sans être capable de les lire à voix haute.
La logopédiste va travailler en premier lieu avec des mots simples et concrets, puis avec des phrases courtes et finalement avec des phrases plus longues.
Pourquoi ne pas apprendre systématiquement aux personnes aphasiques à communiquer avec
l'aide du langage des signes ou d'un tableau de communication ?
 
L'apprentissage d'un nouveau système de communication, comme par exemple le langage des signes, constitue une tâche très difficile pour la personne aphasique. C'est comme si on lui demandait d'apprendre une langue étrangère alors qu'elle peine déjà avec les mots familiers de sa langue maternelle. Pour la même raison, un tableau de communication composé de dessins abstraits ou de symboles serait compliqué à utiliser.
Dans les cas d'aphasie sévère, un tableau ou un carnet de communication constitué de photos d'objets courants ou d'images significatives peut permettre d'établir une communication de base avec l'entourage.

La plasticité du cerveau

Les progrès et la possible récupération en phase chronique grâce aux mécanismes de plasticité cérébrale ont été mis en évidence par différentes études. Le système nerveux central contient plusieurs réseaux en parallèle capables de se compenser et de se substituer les uns aux autres. De nouvelles connexions et interactions peuvent ainsi être créées.
La neuroplasticité est un phénomène présent tout au long de la vie :
 
  • la plasticité développementale est le mécanisme qui intervient dans le développement global de l'enfant ; elle permet l'apprentissage des fonctions communes à tout être humain.
  • la plasticité liée à l'expérience permet l'acquisition de nouvelles compétences, pendant l'enfance, mais surtout à l'âge adulte. Elle est déclenchée par des expériences externes nécessitant une adaptation, ou par des contraintes internes, profondément liées à la faculté d'apprentissage.
  • la plasticité post-lésionnelle se met en place après une lésion affectant le système nerveux central ou périphérique. Elle est à la base des mécanismes de récupération cités plus haut. Elle est divisée en deux composantes, la réactivation fonctionnelle qui survient en phase aigüe de manière spontanée, et la réorganisation fonctionnelle qui s'apparente à la plasticité liée à l'expérience et sur laquelle s'appuie la logopédie.

Les professionnels

De nombreux professionnels entourent la personne aphasique. En effet, la lésion cérébrale entraîne différents problèmes médicaux associés.
 
  • Les médecins : ils supervisent et traitent les problèmes de santé liés à la lésion cérébrale (neurologue, spécialiste en rééducation, médecin de famille...).
  • Les infirmières et aide-soignantes : elles s'occupent des soins médicaux et corporels. Ce sont les personnes qui côtoient le plus la personne aphasique lors de son séjour à l'hôpital.
  • Les logopédistes : ils évaluent et prennent en charge les troubles du langage et de la communication.
  • Les kinésithérapeutes : ils sont spécialisés dans la rééducation de la marche, de la mobilité des membres et de la coordination des mouvements. Ils agiront particulièrement sur l'hémiplégie, l'hémiparésie et les troubles de la sensibilité.
  • Les ergothérapeutes : ils s'occupent tout particulièrement de la motricité fine des membres supérieurs. Ils aident également leurs patients à retrouver l'autonomie dans leur vie quotidienne.
  • Les psychologues ou neuropsychologues : ils peuvent évaluer les problèmes de mémoire, d'attention ou de raisonnement. Ils sont également un soutien précieux pour la personne aphasique et ses proches et peuvent les aider à traverser cette période d'épreuve.
  • Les assistants sociaux : ils ont pour mission de faciliter l'adaptation et la réinsertion de la personne aphasique. Ils aident et renseignent sur les problèmes administratifs pouvant être rencontrer et sur les démarches à réaliser.
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